XXVI.
Comment le sénéchal se mit un fer dans la cuisse pour avoir la fille de l’empereur.
Les criées faites et publiées vinrent à la connaissance du traître sénéchal, qui aimait tant la fille de l’empereur, et qui ne pouvait l’avoir, à cause de sa trop grande outrecuidance. Après qu’il eut ainsi entendu les criées, il s’avisa d’une fort grande malice qui lui tourna depuis à déshonneur. Il fit chercher un cheval blanc, une lance et des armes blanches, et se mit un fer de lance dans la cuisse avec grande douleur et angoisse. Mais pour parvenir à être empereur il endura patiemment ce mal, et aussi pour avoir celle qu’il aimait. Hélas, c’est mal fait à ceux qui veulent maintenir pendant toute leur vie leurs folles amours ! car, à la fin, douleur et honte en viennent.
Après cela, le sénéchal fit armer tous ses gens pour l’accompagner, et il arriva à Rome en grand triomphe. Il était bel homme, grand et puissant ; mais il était si fier et si orgueilleux, qu’il n’avait pas son pareil au monde.
Aussitôt entré dans Rome, il se montra à l’empereur, en lui disant : « Je suis celui qui vous a si vaillamment trois fois secouru et qui