Page:Boiteau - Légendes pour les enfants (Hachette 1861).djvu/323

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repas en se servant des ustensiles de la maison. Lorsqu’il eut achevé, il s’assit devant une table et commença à dîner ; il ne resta pas assis plus de quelques secondes ; ses jarrets détendus se roidirent tout à coup ; un malaise accablant l’envahit, et il fut obligé de se lever. Il vit alors que nul remède ne viendrait guérir son mal, et qu’il était à jamais perdu ; il versa ce soir-là plus de larmes que Rachel n’en versa lorsque ses enfants moururent ; enfin il mangea debout. Cependant la fatigue amenait le sommeil : il se coucha ; mais, plus vite encore qu’au moment où il s’était assis, les mêmes douleurs reparurent, et il se remit en route. Toute la nuit, il continua à marcher vers le Sud, lassé, brisé par la fatigue, et cependant marchant toujours. Quel sort que le sien ! il détestait son crime, il avait le cœur déchiré lorsqu’il songeait au supplice de Jésus et à la brutalité de ses paroles. Le voilà donc en route pour un voyage sans fin, ne choisissant pas toujours son chemin, poussé irrésistiblement d’une colline vers une autre colline et d’un pays vers l’autre.

Il lui vint à l’esprit une pensée qui ne laissa pas d’accroître son effroi : il n’avait pas un denier. Est-ce qu’il était aussi condamné à la pauvreté éternelle ? est-ce qu’il ne devait pas avoir de quoi payer du pain, de quoi payer un verre d’eau ? et, faute de pain et d’eau, était-il destiné à marcher toujours sans manger ni boire, torturé par la faim