Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/105

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Rolland une flamme sans direction… Ni les problèmes de la politique, ni ceux de l’économie ne l’intéressaient ; R. Rolland ne connaissait que des aspirations ou des velléités. » Et M. Guy-Grand cherchait à expliquer cette attitude ou cette faiblesse par la toute puissance de la musique, qui « dissout les assises de la vie, » qui « échauffe ou déprime, transporte ou ravit, » mais qui jamais n’est une « ouvrière de clarté et de droit et n’édifie pas. »

Toute l’œuvre de R. Rolland, — prise en bloc — et non artificiellement découpée, — oppose à ce jugement sommaire un démenti formel. Mais l’art subtil des citations tronquées, attribuant en propre à l’auteur les paroles diverses et contradictoires de ses héros de roman ou de ses personnages de théâtre, excelle à prouver n’importe quelle attitude, à démontrer n’importe quelle théorie. À regarder les hommes, les événements ou les choses de trop près, on risque de ne pas les voir exactement et de déformer dans son souvenir l’image et l’impression d’après lesquelles on les jugera : on attribue une importance exagérée — et ridicule — à tel détail qui fait saillie et apparaît, au premier coup d’œil, en pleine lumière, tandis qu’on néglige et qu’on rejette dans l’ombre tel fait capital qui, tout d’abord, ne s’était pas détaché assez nettement. Il en est d’une œuvre artistique comme d’un paysage : il faut du recul dans le temps et dans l’espace pour les bien voir l’un et l’autre, — sainement, posément, utilement. Il faut que la dureté des couleurs s’atténue, que les contours s’estompent, que l’éclat factice et trompeur se ternisse, — non pas pour envelopper, égaliser le décor dans une teinte neutre et banale, mais pour en adoucir les vaines brutalités d’un instant, comme un rayon de soleil qui trompe notre vision — et rendre aux détails