Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/108

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courage, R. Rolland, « un grand cœur, un cœur généreux…, en refusant de se laisser emporter dans l’espèce de raz de marée qui submergeait l’Europe intellectuelle et mettait en péril le sens critique de maints bons esprits… a porté le conflit dans une sphère élevée. Refuser de perdre connaissance dans l’affolement général, ce n’est point renoncer à son rôle, c’est parfois donner à ce rôle un sens nouveau ».

Jean-Christophe, Colas Breugnon et Clérambault — si dissemblables à tant de point de vues — sont des formes nouvelles de roman. Toute comparaison, tout rapprochement sont interdits. Là, rien de déjà vu, de déjà entendu. H.-G. Wells, dans deux longs articles du Temps (18 et 21 juin 1911) sur l’objet et le développement du roman contemporain en Angleterre, étudiait successivement ces questions : « Le roman doit-il amuser ? — un roman a-t-il le droit d’être long ? — le rôle social du roman moderne ; — le roman comparé au théâtre et à la biographie ». R. Rolland est l’un des écrivains cités par Wells, qui ont eu l’audace de rompre avec les errements passés, la liberté de l’auteur doit être entière pour le choix du sujet et la manière de le traiter. « Le roman n’est pas une chaire… mais le romancier sera le plus puissant des artistes parce que lui seul saura discuter, analyser, éclairer la conduite ». C’est en ce sens que Jean-Christophe est un modèle d’un nouveau genre ; on n’y trouve pas seulement des idées, mais des âmes. Certains ont pu s’y tromper. Quand j’ai publié en 1909, aux Cahiers du Centre, des extraits de R. Rolland, j’avais recueilli et groupé sous le titre d’Idées (p. 124), lambeaux de pages, fragments de tirades, débris d’articles, tout ce qui, par sa formule harmonieuse ou sa beauté morale, pouvait servir de maximes de vie, d’exemples ou de leçons. R. Rolland, en approuvant ce choix et ce titre, ajoutait : « Pour moi les