Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/18

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saient avec les Lamoignon. — Du côté paternel, une génération de notaires nivernais.

Vous vous rappelez le paysage : ce petit pays du centre de la France, « pays plat et humide », où vivaient Antoinette et Olivier Jeannin, les amis de Jean-Christophe, et vous revoyez la « petite ville endormie, qui mire son visage ennuyé dans l’eau trouble d’un canal immobile ; autour champs monotones, terres labourées, prairies, petits cours d’eau, grands bois... Nul site, nul monument, nul souvenir. Rien n’est fait pour attirer, tout est fait pour retenir » (Antoinette, p. 8). C’est là-bas dans le Nivernais, Clamecy la « Bruges bourguignonnes »[1] qui, sur le flanc de la colline où s’endort et rêve son passé, reflète, dans le double miroir où s’unissent les eaux de l’Yonne et du Beuvron, les clochers anciens de ses églises, ses rues tortueuses en cascade et ses maisons basses aux tuiles dérougies par le temps. Ville frondeuse, aux confins de deux régions délimitées par la nature et fixées par l’histoire : Bourgogne et Morvand, elle dépend des comtes et des ducs de Nevers jusqu’au jour où Jean Rouvet, un homme de génie, créant et organisant, au xvie siècle, le flottage régulier des bûches de bois, lui donne le goût et l’amour de la liberté. Et les premières grèves de France sont peut-être celles des ouvriers flotteurs clamecycois, groupés près du vieux pont de Bethléem, où se tient, protecteur de leurs droits, le buste de Rouvet, par David d’Angers. En remontant vers la ville haute, on rencontre le monument (élevé en 1905) d’un autre Nivernais, Claude Tillier, le pamphlétaire et l’illustre romancier de Mon Oncle Benjamin.

  1. Comparaison faite par Morton-Fullerton, dans Terres Françaises,(Colin, 1908), p. 37.