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(Dans la Maison, p. 35). Le père abandonna son étude, sans hésitation mais sans souffrance, et, fidèle à son fils et à son foyer, se relégua, s’exila volontairement dans une vie de bureau quotidienne, ingrate et médiocre. Il dit adieu à sa ville « que l’Yonne paresseuse et le Beuvron baguenaudant ceignent de leurs rubans » (Colas Breugnon, p. 17), et aux paysages familiers, peuplés de cliers souvenirs et tout pleins de son enfance : clochers de Basseville, coteau de Vézelay où pointe la Madeleine, chemins silencieux qui vont droit, sans se presser. Il renonçait au bon air du Morvand pour les brumes empestées de Paris ; il quittait amis, parents. Il ne discuta pas ses préférences : son fils entrait comme externe en rhétorique, 3e division, au lycée Louis-le-Grand, le 28 novembre 1882, et, sans doute, aurait besoin de son conseil, de son amitié, de sa présence : il l’accompagna.

Trois rhétoriques successives, pendant lesquelles il eut comme professeurs MM. Bernage et Gaspard en lettres et M. Lemoine en histoire, et comme camarades Victor Bérard, Paul Gavault, Paul Claudel, Émile Reibell en 1883, Raoul Barthe, F. Strowski, Léon Civry en 1884 et 1885 — et une philosophie en 1885-86 avec M. Charpenier. Son meilleur camarade, et bientôt son ami, était déjà Félix Suarès, pensionnaire à la maison voisine de Sainte-Barbe. Wagner et Stendhal, romantisme et musique, mysticisme et libéralisme étaient les thèmes infinis de longues discussions après la classe. Tous deux cherchaient, étouffant à l’étroit, « dans un monde moral ennemi ». Le 17 juillet 1886, il eut la joie de lire son nom sur la liste d’admissibilité à l’École Normale : détail amusant, un homonyme, Joseph-Paul Rolland, voisinait près de lui dans l’ordre alphabétique. L’oral eut lieu. Il fut enfin