Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Vidal de La Blache, il se créa très vite une discipline, une méthode, une personnalité ; l’érudition sévère et prudente lui apprit l’art de dépouiller les faits comme des classements d’archives, de déchiffrer les vies comme des textes toujours inédits, l’art de les assembler, de les coordonner et d’en faire jaillir, comme un éclair vivant au frottis de deux silex, une œuvre humaine. Une troisième année le conduisait à l’agrégation d’histoire et de géographie ; il était reçu 9e sur 14, le 31 août 1889.

Evénements universitaires sans grande importance, si on les compare aux « découvertes » que R. Rolland vient de faire au cours de ces trois années. Dégoûté de l’idéalisme officiel et fade que ses premiers professeurs avaient voulu lui inculquer, passionnément épris de vie et de vérité, ennemi des illusions quelles qu’elles soient, et des discussions oiseuses qui sont de faux jeux d’esprit, inquiet, cherchant une foi sûre pour asseoir son œuvre d’homme, seul, sans guide, sans ami, sans maître « dans le désert infini de sa pensée », R. Rolland trouva les deux chefs qui devaient lui montrer le chemin.

Années d’affaissement et d’angoisse que R. Rolland, dialoguant avec Jean- Christophe (« Dialogue de l’auteur avec son ombre » au début de la Foire sur la Place, p. xxv) ne manquera pas d’évoquer avec une certaine tristesse. « Combien nous avons souffert, et tant d’autres avec nous, quand nous voyions s’amasser chaque jour autour de nous une atmosphère plus lourde, un art corrompu, une politique immorale et cynique, une pensée veule s’abandonnant au souffle du néant avec un rire satisfait... Nous étions là, nous serrant l’un contre l’autre angoissés, respirant à peine... Ah ! nous avons passé de dures années ensemble. Ils ne s’en doutent pas nos maîtres des affres où notre jeunesse s’est débattue sous leur ombre. »

Plus douloureux est le cri qu’il jette aux premières