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« la vie est un malentendu incessant et cruel et que chacun vit près des autres sans jamais les comprendre, » (Saint-Louis, IV), R. Rolland et Suarès furent amis et se confièrent leurs doutes, leurs espoirs, leurs tristesses. Suarès était d’un autre sang et d’une autre race : il était juif et à ce mot des passions s’éveillent, des rancunes s’attisent, des vengeances se méditent. Suarès, juif, fut persécuté, moqué, raillé. R. Rolland souffrit de cette injustice et comprit, ce jour-là, tout le mal que l’on fait avec des mots. Il se promit dès lors de ne pas suivre le troupeau hurleur, et d’être bon — non pas faible — , mais humainement bon et fidèle à l’amour autant qu’à la vérité. Et peut-être, ce jour-là, eut-il l’idée première de son héros Jean-Christophe.


À l’École de Rome (1889-1891). — L’influence de Mlle Malwida de Meysenbug

Les concours finis en août 1889, R. Rolland, agrégé d’histoire, attendait, dans quelque ville lointaine, un poste de professeur, — et songeait à son œuvre d’artiste, quand ses maîtres de l’École Normale lui offrirent de partir, pour deux ans, comme élève à l’École française de Rome ; un de ses camarades, candidat à Rome, ayant échoué à l’agrégation, une des deux places était donc libre ; il devrait accepter. R. Rolland avait une certaine défiance contre l’Italie : la littérature, aux descriptions lyriques, avait tant abusé de ce décor qu’il croyait le connaître déjà avant de l’avoir vu ; cette musique bruyante, vulgaire et sentimentale, dont il avait entendu tant de fragments, le fatiguait par avance. Mais il se