Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/40

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Aërt[1] qui célèbre « l’exaltation nationale ». Comme le roi Saint-Louis, le jeune Aërt, fils d’un stathouder vaincu et massacré par ses ennemis, est un héros et, dans les dialogues d’Aërt avec Lia ou avec son vieux maître de philosophie, on pourrait relever telles ou telles phrases prophétiques sur la guerre ou la paix qui s’éclaireraient tragiquement, au souvenir des événements d’hier. Aërt, désespéré de n’avoir pu libérer la Hollande, se suicide : renoncement à l’action, sacrifice paradoxal d’un dilettante, a-t-on dit, appliquant à l’auteur certaines déclarations de son personnage (P. Souday, Temps, 23 avril 1913), mais on aurait pu tout aussi bien — et plus justement — choisir les dernières paroles à Lia. « Ô désert, où il faut vivre pour rester fort, pour garder ses pensées à l’abri de ce monde menteur et meurtrier ! Vie odieuse qui vous écrase, dès qu’elle vous sent désarmé ! Je ne suis pas encore vaincu... je ne veux plus d’amour : l’amour pourrit l’âme... je me ressaisis, je m’appartiens à moi-même, je suis seul enfin... Fini de la confiance, de la pitié, de la tendresse. Fini de tout ce qui est lâche et humain ! Seule ma volonté ! »

Est-ce un aveu médité ou une confession involontaire, qu’importe. En cette minute, R. Rolland parle, ici, par la bouche d’Aërt. Seule sa volonté lui permettra de vivre et de réaliser son œuvre. Il semble qu’il en fasse ici le serment et s’apprête à la lutte.

Aërt fut joué au théâtre de l’Œuvre le 3 mai 1898.

La distribution en était bien choisie avec MM. Ripert (Dirck), Hardy (le stathouder). Buisson (Claes), Damery (maître Trojane), d’Avançon (le médecin), Hérouin (Govert), Mlle Laparcerie (Aërt) et Mlle Mitzi-Dalti (Lia).

  1. Cf. Bibliographie n° 2.