Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/62

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lui-même en lui tendant cette vie de Beethoven, comme un baume pour les blessures du monde, elle a été sa devise et sa raison d’être, et, par lui, a obtenu droit de cité dans l’enseignement et droit de cité dans l’histoire des arts, et c’est elle encore qui va inspirer, pendant des années, le roman héroïque et passionné d’un musicien et lui dicter les plus nobles pages de Jean-Christophe. L’immortelle musique, qui fut son âme, sa lumière, son refuge, va devenir sa gloire.

En février 1904 paraissait, aux Cahiers de la Quinzaine[1], un élégant volume, vêtu d’une couverture blanche, portant au milieu, en minuscules rouges, comme un titre ancien de psautier, ce simple nom propre : Jean-Christophe, et en sous-titre, en capitales noires, minces et longues, ce mot magique et flou : l’Aube. — Le mois de février n’était pas encore achevé qu’un second volume lui succédait : le Matin. Puis à chaque année, à chaque série nouvelle des Cahiers de Péguy, Jean-Christophe grandissait, s’imposait, se multipliait : les volumes blancs à titre rouge s’entassaient l’un sur l’autre et l’édition originale, qui paraissait rue de la Sorbonne, à tirage limité à deux ou trois mille exemplaires, était si rapidement épuisée qu’une édition nouvelle fut réimprimée à la librairie Ollendorff. Mais les éditions des Cahiers « contiennent nombre de pages qui appartiennent plus à la pensée de l’œuvre qu’à l’action » et qui ont été supprimées dans les éditions Ollendorff, et R. Rolland en avertissait ses lecteurs et amis, dans une Note, placée en tête de la Foire sur la Place (page xv) : il considérait les Éditions des Cahiers « comme des sortes de projets plus libres et plus complets,

  1. Cf. Bibliographie no 28.