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1917, il reprend sa tâche d’écrivain : il rédige son grand manifeste : Aux peuples assassinés,[1] sombre et douloureux appel, auquel répond bientôt cette consolante et noble évocation de l’histoire, qu’il intitule : La route en lacets qui monte. Reprenant un propos qu’avait tenu, devant lui, Renan, en 1887, il proclame que le chemin de l’humanité est une route de montagne ; elle monte en lacets et il semble par moments qu’on revienne en arrière. Mais on monte toujours. (Les Précurseurs, p. 20). Il faut savoir « écouter le rythme de l’Histoire », et confiant dans la vie, ne jamais désespérer de l’avenir ; « tout travaille à notre idéal, même ceux dont les coups s’efforcent à le ruiner, » et c’est ainsi, malgré le gaspillage insensé de richesses et de vies, que les âmes libres sauvent perpétuellement, au long des siècles, « cette statue d’argile, la Civilisation, toujours prête à crouler. »

Mais déjà une grande œuvre retenait toute son attention, un vaste roman, appelé alors L’un contre tous, pour lequel il accumulait notes et ébauches, lorsqu’au printemps de 1917, R. Rolland quitta Sierre pour s’installer à Villeneuve, au fond du lac Léman, et y écrire aussitôt une tragi-comédie, Liluli, qui s’imposait d’abord à son esprit, et qui devait, dans le plan primitif, former le second acte d’un drame philosophique plus complet, appelé L’Âne de Buridan. Satire bouffonne qui tient de la fantasmagorie et de la comédie italienne, et s’apparente à la fois à Voltaire, à Shakespeare et à Aristophane, Liluli est trop symbolique et trop irréelle pour être disséquée dans une analyse. On y voit « Liluli, l’enjôleuse », qui est l’illusion ou le mensonge charmant, con-

  1. Cf. Bibliographie n° 113.