Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/38

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Caché, j’aime à compter les baisers d’une amante ;
À contempler le ciel dans une onde dormante,
Et la lune bercée argentant des flots clairs.

J’aime de cent chasseurs voir la tourbe effrayante ;
La voix rauque des cors tonnant au fond des bois ;
Le hahé des valets à la meute aboyante ;
Puis l’hallali joyeux, les déchirants abois.
Puis, j’aime voir après, quand le soleil décline,
Quelques bons montagnards, au pied de la colline,
Naïvement danser aux chansons d’un hautbois.

J’aime à brûler parfois l’oliban et la manne ;
À savourer aux champs le parfum d’une fleur.
J’aime nonchalamment, sur la molle ottomane,
M’étendre, demi-nu, quand darde la chaleur ;
Prolonger jusqu’au soir la sieste favorite ;
Fumer le calumet, l’odorant cigarite,
Et d’un thé délicat égayer ma douleur.

J’aime à bouleverser une bibliothèque,
Fouiller un chroniqueur qu’on a laissé moisir,
Déchiffrer un latin, quelque vieille ode grecque,
Essayer un rondeau, peindre un ange à loisir ;
Puis surtout, d’un festin l’enivrante magie,