Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/57

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— Un barde aurait pu dire au repos de la plage :
                Que la terre écoutait le ciel !

L’horizon s’appuyait sur l’immense muraille
De colline, de mont, de rocher, de rocaille,
Qui sur la Corse au loin s’étend comme un géant,
Depuis Bonifacio veillant sur la Sardaigne
Jusques à la Bastia qui dans la mer se baigne,
                Et lève aux cieux un front d’argent.

Tout dormait, se taisait : assis sur une pierre,
Auprès du seuil étroit de sa basse chaumière,
Un vigoureux chasseur, Viterbi le vieillard,
Homme doux dont le bras ne poignarda personne
Et dont la chevelure en blanchissant rayonne
                Sous son bonnet de montagnard.

Avant d’entrer au lit, en ce lieu solitaire,
Courbé sur son mousquet, les yeux fichés en terre,
Il aspirait du soir l’air pur vivifiant ;
Quand un éclair lointain jetait sa large flamme,
Comme un enfant à Dieu recommandant son âme,
                Il signait son front suppliant.

Tout à coup, il entend, se lève, écoute encore :
C’était un bruit de pas sur le chemin sonore.
— Qui vive ! garde à vous ! répondez ! — Un Français !