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MÉGARA

Il en est temps encor, oui, la fuite est possible.
Oui, par là…

FAUSTUS

Nous restons, Mégara.

(La foudre éclate autour d’eux.)
LYDIE

C’est terrible !
Allons vers ces rochers, nous attendrons près d’eux
La fin de l’ouragan.

(Tous quatre se réfugient contre les rochers qui surplombent à gauche,
l’orage redouble )
PAUL

Écoutez toutes deux.

LYDIE

Nous t’écoutons.

PAUL

Un jour, j’allais à Damas, ville
Où de nombreux chrétiens s’étaient fait un asile.
J’avais reçu des Juifs mission et pouvoir,
Et j’allais tout joyeux de mon cruel devoir ;
Ma pensée, en marchant, inventait des supplices
Contre tous les chrétiens ou contre leurs complices,
Je me sentais poussé par un souffle inconnu,
Sous un ciel écrasant, sur ce long chemin nu !
Tout à coup un orage éclata sur ma route ;
Une voix près de moi, celle de Dieu sans doute,
Tandis que je tombais sur la terre abattu,
Me dit : Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ?
— Le lendemain, j’étais chrétien, j’étais apôtre.
Femmes, que mon histoire aujourd’hui soit la vôtre,
Dieu vous parle au milieu de la foudre et du vent,
Écoutez à genoux la voix du Dieu vivant !

(Lydie et Mégara s’agenouillent sous les éclairs )

Femmes, c’est vous surtout qui pourrez le connaître,
Vous, pour qui si longtemps tout Dieu ne fut qu’un maître ;