Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/42

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Surplombe une fenêtre, ouvrant sur une chambre
Étouffante en juillet, glaciale en décembre ;
Tout est sordide, impur, dans ce morne taudis ;
Qui peut donc l’habiter ? Sans doute des bandits ?
C’est une vieille femme avec sa jeune fille ;
Toutes deux achevant quelque travail d’aiguille,
Se rapprochant du jour qui lentement décroit,
Causent, le dos courbé, près du vitrage froid.
— Louise, mon enfant, te voilà toute rouge,
Le sang te monte aux yeux ; oh ! ce bouge ! ce bouge !
Dire, ma pauvre enfant, qu’il a fallu quitter
Notre joli village et qu’il faut habiter
Cet horrible Paris et cette rue immonde
Où le soleil se vend si cher au pauvre monde !
Comme il était gentil, notre petit enclos !
— Oui, mère, et la rivière avec les grands bouleaux !
— Si nous avions, du moins, un peu d’air et d’espace,
Si nous pouvions de l’œil suivre l’oiseau qui passe,
Voir la Seine couler, voir frémir sous le vent
Du moindre peuplier le panache mouvant !
Mais il faut travailler, sans espoir, sans relâche,
Dans cette ombre malsaine, et mourir à la tâche !

Les deux femmes ainsi se désolaient tout bas.

Un matin, tout à coup, un bruit de voix, de pas,
De chariots pesants, vient frapper leur oreille ;
En face, une maison, à leur maison pareille,