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Page:Bossange - Histoire apocryphe de la France de 1830 jusqu'à nos jours, La Gazette de France, 15 nov 1841.pdf/5

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camp.

Toute cette immense organisation de la France et de l’Algérie a demandé six années. Il faut du temps pour tout.

En 1836, le roi prit les rênes du gouvernement, sollicita M. le duc d’Orléans de lui continuer son loyal et habile concours, et conserva son ministère.

Le pape voulut venir le sacrer, et M. de Quélen, le saint et fidèle prélat, fut chargé d’aller le recevoir à la frontière. L’imposante cérémonie eut lieu à Aix-la-Chapelle. Lorsque le roi reçut la couronne des mains de Mgr le duc d’Orléans, il s’éleva une acclamation si immense qu’elle fut entendue à une grande distance, et couvrit la voix de l’artillerie. Tout le monde a remarqué qu’en présentant la couronne, M. le duc d’Orléans pleurait de joie, et les cris d’approbation qui s’élevaient de toutes parts furent, disait-il, sa plus belle récompense.

Le jeune roi voulut marquer son avènement par quelque chose de grand et d’utile. Tout le monde sait que c’est à sa ferme volonté que la France doit cet immense réseau de chemins de fer et de canaux qui la couvre, et qui unit tous les points du royaume. Son système fut simple et habile. Il voulut que chaque province fournît le terrain ; l’état tous les travaux d’art, de déblai et de remblai ; les compagnies les rails, le matériel et l’exploitation. Chacun fut propriétaire d’une portion des revenus correspondans au capital fourni. Le roi voulut aussi que la jouissance fût perpétuelle et non pas pour un temps déterminé. C’est à cette occasion qu’il dit que le principe de la légitimité étant perpétuel, devait assurer la perpétuité de la propriété.

Pendant que ces grandes choses s’accomplirent, et sans que leur exécution en fût ralentie, d’importans événemens se passèrent. L’Europe fut troublée et la paix générale compromise. Mehemet-Ali avait secoué le joug du sultan, et le menaçait aux portes de Constantinople. La Russie fit marcher ses armées, l’Angleterre envoya ses flottes, l’Autriche intervint, et la France ne balança pas à faire entendre sa voix pour proposer la réunion d’un grand congrès qui se tiendrait à Rome.

Des négociations s’entamèrent, et pendant ce temps toutes les puissances coururent aux armes. L’Europe présenta l’aspect d’un camp immense !

L’assemblée générale du royaume fut réunie pour voter cinq cents millions, et le fit par acclamation, avec une unanimité bien faite pour faire réfléchir les rois de l’Europe. Quelques députés proposèrent de fortifier Paris, et cette opinion désastreuse faisait des progrès, lorsque parut une brochure de M. Thiers. Cet habile écrivain traita la question de haut, il dit que les fortifications de Paris, c’étaient l’Océan, le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ! Il fit honte aux cœurs pusillanimes de placer la force de la France autre part que dans le courage et le patriotisme de ses enfans. Il groupa des chiffres et démontra qu’on gaspillerait un demi milliard en pure perte ! Puis, invoquant le nom de la liberté, il déclara que Paris, le foyer de l’intelligence et du génie, dégénérerait à l’ombre des bastilles, et fut jusqu’à accuser de haute trahison tout député qui oserait voter une semblable mesure ! — La brochure de M. Thiers renversa le projet, et le roi de France satisfait lui envoya le grand cordon de la Légion-d’Honneur. « Celui qui a seul empêché une si grande faute, lui fit-il dire, a remporté une victoire nationale ! »

Cependant le congrès de Rome s’assembla. Le roi y envoya M. Berryer, M. le duc de Fitz-James, M. le marquis de Dreux-Brézé, le maréchal Soult et M. le baron Pasquier, son ministre des affaires