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UNE VARIANTE.

toi, répondit Barbe-Bleue ; car je n’ai pas de temps à perdre. » — « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » — « Je ne vois qu’un nuage de poussière que le vent soulève au loin dans la plaine. » — « Encore une fois, descendras-tu, ou je monte là-haut ! criait Barbe-Bleue. » — « Ah ! de grâce ! lui répondait sa femme, j’ai encore ma coiffure de noce à ajuster ; » et en même temps, n’ayant plus rien à lui dire pour rester encore : « Anne, ma sœur Anne, criait-elle d’une voix épouvantée, ne vois-tu rien venir ? » — « Ah ! j’aperçois, dit sœur Anne, deux cavaliers à l’horizon ! » Barbe-Bleue cependant s’impatientait ; sa femme lui dit : « Je descends, mais laissez-moi chercher encore mon anneau de mariage que j’ai oublié ! » — Et s’adressant encore à sœur Anne : « — Anne, ma sœur Anne, demanda-t-elle, viennent-ils de ce côté ? » — « Oui, dit sœur Anne, ils viennent au galop de leurs chevaux ; ils sont près et je leur fais signe de se hâter. » À ce moment, en bas de la tour, Barbe-Bleue prit une voix si terrible que sa femme se mit à trembler de tous ses membres, dans la crainte qu’il ne montât jusqu’à sa chambre. « Je descends ! je descends ! » lui cria-t-elle. Mais elle ne se pressait point ; seulement elle faisait retentir ses souliers plusieurs fois sur la même marche, pour lui faire croire qu’elle se hâtait : « Descends plus vite, lui dit Barbe-Bleue, car je n’ai pas le temps d’attendre. » Quand elle parut enfin à ses yeux, elle était pâle, tremblante, vêtue des mêmes habits qu’elle avait quand elle était montée ; car son trouble ne lui avait pas permis de les changer. « Perfide ! traîtresse ! lui dit-il ; c’est ainsi que tu m’as toujours trompé. Mais il ne te servira de rien d’avoir attendu : tu vas mourir. » — « Monseigneur ! lui dit-elle en tombant à ses genoux, daignez me pardonner ! » — Mais lui déjà a levé son coutelas sur sa tête ; il va l’abattre d’un seul coup, quand soudain la porte s’ouvre avec fracas, les frères de l’infortunée s’élancent sur Barbe-Bleue, et le transpercent de leur épée. »

Dirai-je ici toute ma pensée ? Je serais surpris, non pas que cette version ait subsisté à côté de celle de Perrault, si elle l’a