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GUERRE DE CENT ANS.

par les liens du sang, d’une manière plus étroite encore que par la haine ou l’ambition, l’union funeste des trois puissances.

Heureusement que les fautes de l’orgueilleux duc de Bedfort, habilement exploitées par la politique, servirent plus utilement la France que le dévouement malheureux de ses fils, jusqu’au jour où lui fut envoyée sa libératrice. Richemont se brouilla bientôt avec son beau-frère (mars 1424), et le duc de Bourgogne lui-même, mécontent de son gendre le duc de Bedfort, n’attendait que le moment favorable pour retourner au dauphin. Une femme d’un grand esprit, d’un cœur élevé, d’un admirable dévouement à la patrie, Yolande d’Aragon, veuve de Louis II d’Anjou et mère de la jeune femme de Charles VII, travailla à les rattacher l’un et l’autre au parti national et eut le bonheur d’y réussir. Richemont, flatté par Charles VII, se vit offrir l’épée de connétable ; son frère, le duc de Bretagne, et son beau-père, le duc de Bourgogne, consentirent à ce qu’il l’acceptât (6 mars 1425) ; la France venait de gagner à sa cause un grand guerrier : c’était l’aube de la délivrance qui se levait. Gilles de Rais avait-il accompagné, dès lors, le comte de Richemont à la cour de France ? Quelques-uns l’ont affirmé ; mais, de cette assertion, il n’existe aucune preuve authentique et péremptoire. La première apparition certaine, qu’il fit à la cour, date du 8 septembre 1425.

Pour réussir à entraîner le duc de Bretagne sur les traces de son frère, Yolande d’Aragon employa sagement les hommes les plus propres à forcer les hésitations de Jean V. Jean de Craon, le vieux seigneur de Champtocé, était désigné tout naturellement pour conduire à bien ces délicates négociations. Vassal puissant des ducs d’Anjou et de Bretagne, le sire de Champtocé et de La Suze jouissait de la double faveur des deux cours voisines, qui avaient intérêt à le ménager ; de plus, les grands services qu’il avait rendus à Jean V, quatre ans auparavant, bien que celui-ci les eût généreusement récompensés, lui donnaient toujours le