Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et le Christ, la nuit entière,
Resta dans l’humble chaumière,
Veillant le feu qui mourait…
Et, lorsque parut l’Aurore,
Le Meunier dormait encore
Près de Jésus qui pleurait !

Sans interrompre son somme,
Dieu baisa le front de l’homme,
Prit sa Croix blanche et sortit !…
… Mais, voilà qu’à la même heure,
Faisant trembler la demeure,
Un grondement retentit ;

L’homme, réveillé, se lève…
Mais, s’imaginant qu’il rêve,
Il se frotte les deux yeux,
Car il voit sa grande Meule
Qui tourne, qui tourne seule
En faisant un bruit joyeux ;

Il voit, plus blanche et plus fine,
Tomber, tomber la farine
Sur le vieux bluteau de lin,
Et ce prodige l’enchante :
Il rit, il gambade, il chante…
Puis il sort de son moulin :

Miracle : au toit solitaire
Il voit la Croix du Calvaire
Debout, dans l’immensité ;
Un bel ange, aux ailes grises
Grandes ouvertes aux brises,
Est à chaque extrémité !