Aller au contenu

Page:Bouasse - Pendule spiral diapason, tome 2, 1920.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxii
DES SAVANTS

passer d’un ministère à l’autre, déversant partout son verbiage. Le
 plaignez-vous charitablement d’être ainsi détourné de ses admirables 
travaux : « Ne m’en parlez pas, répond-il ; je n’ai plus le temps de 
rien faire ! » Il se donne l’illusion que seul le loisir manque, mais il
 ne trompe personne : il est vidé.

Aujourd’hui c’est à vingt-cinq ans que l’anémie cérébrale atteint nos savants : ils forment la grande armée des ratés.

L’administration leur sert d’asile.

Faites aux vieux savants des retraites honorifiques et bien payées ; conservez, s’il vous plaît, ceux dont le cerveau n’a pas fléchi. Mais ne choisissez pas systématiquement pour commander aux autres, régler les avancements, déterminer les programmes, ceux-là mêmes que leur âge et leur usure, parfois prématurée, rendent incapables de toute initiative et à la merci du premier qui les flatte.

Mon cher lecteur, ne voyez aucune aigreur dans ce que je dis. Certes
j’occupe sur les listes d’avancement le rang le plus extrême (vers le 
bas, s’entend) qu’il soit possible, en raison de mon âge et de l’année
 que j’entrai dans l’Université. Malgré que j’en puisse avoir, je ne
 saurais donc manquer de reconnaissance pour des gens qui n’ont 
jamais eu avec moi que des procédés de vilain. Mais, sans ironie, je
trouve qu’ils m’ont, rendu le plus éminent des services en me dépen
sant de toutes les précautions oratoires et, par leurs mauvais procédés, en me contraignant à un travail acharné qui me permette des me soucier infiniment peu de leur opinion sur mon compte.

Je ne désire faire partie d’aucuns de leurs comités ou commissions, et si je déplore qu’ils soient composés comme ils le sont, c’est sans retour personnel ni désir d’en être.

Vous devez bien comprendre d’après ce que je viens d’en dire, que je ne cours pas après les occasions de faire ami avec les savants.

Je me suis toujours tenu à l’écart : ce n’est certes pas aujourd’hui que je changerai d’attitude.


H. Bouasse.


Monsieur Lala a bien voulu me continuer son aimable collaboration ; le lecteur lui doit savoir gré d’utiliser plus commodément mes ouvrages.