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avec eux-mêmes. Alors si au lieu de s’entourer de gens incapables ou sans bonne volonté, qui, mangeant sans rien faire, coûteront sans produire, il a soin de n’appeler que les plus laborieux, et qu’il les paie en raison de leur labeur, l’habitant qui bientôt s’en aperçoit et qui sent qu’il n’a nul profit à l’oisiveté ou à la négligence dans l’œuvre, ne sera ni oisif, ni négligent. Peut-être maudira-t-il d’abord la main avare qui ne lui donne pas un sou s’il ne le gagne ; mais bientôt il rendra justice à cet homme qui ne lui dénie jamais ce sous quand l’œuvre le vaut, et il reconnaîtra qu’il y a pour lui intérêt et sécurité à faire que cette œuvre le vaille !

L’opulence de ce propriétaire n’est dès lors à charge à personne. Peu importe qu’il soit agriculteur, manufacturier ou simplement consommateur : s’il paie exactement ce qu’il consomme, s’il le paie à sa valeur, s’il ne paie que ce qui doit être payé, s’il ne donne qu’au travail, à la conduite, à la moralité, il n’appauvrira qui que ce soit, quelque riche qu’il devienne lui-même, quelque dépense qu’il fasse. La grande richesse d’un seul peut donc être pour tous une chance de bénéfice, et en même temps une cause de liberté et un exemple de bonne administration. Je ne réprouve donc pas la grande propriété ; son plus grave inconvénient est de faire dépendre d’un homme le sort de plusieurs ; mais ceci est inhérent à la nature humaine : de la vie du père dépend aussi celle des enfans.

Voyons maintenant la seconde partie de la question :

Nous avons dit que la misère ne venait pas de la pauvreté du sol, et qu’un pays pouvait toujours être riche sous la main de ceux qui l’exploitent. Expliquons ce que nous entendons par pays riche ou pays pauvre.

On a souvent répété que la surabondance de population était une cause de misère, et qu’ainsi il existait des lieux où l’on ne pouvait pas vivre. Si l’on prend la question dans son acception absolue, un pays doit tou-