Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/42

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partie de l’ameublement et du logis ? On dira qu’elles ont à s’occuper du ménage. C’est vrai, c’est leur première obligation ; mais ce soin absorbe-t-il tous leurs instans ? Les occupe-t-il sans cesse ? Quand elles ne travailleraient que deux heures, quand elles ne gagneraient par jour que 25 centimes, soit en tricotant, soit à toute autre industrie, cela ferait au bout de l’année 76 francs 75 centimes, qui aideraient leur mari à vivre et à les faire vivre. Là où les femmes sont laborieuses, les ressources naissent et la disette n’approche point.

Dans les classes où l’on n’attend pas le gain de la journée pour subsister, si la vie de la femme n’est pas une oisiveté complète, cette vie presque toujours est dissipée en futilités ou en soins qui, sans être le désœuvrement, n’ont et ne peuvent avoir aucun résultat sur le bien-être de la famille. Sans doute, si cette femme est mère, si elle a nourri ses enfans, elle s’est acquittée d’un grand devoir ; ce devoir n’a qu’un temps ; après, viennent d’autres obligations ; ces obligations sont-elles remplies ?

Cependant il faut ajouter que la frugalité et l’économie de beaucoup d’épouses d’artisans, réparent le mal que cause leur oisiveté : ce qu’elles empêchent de dépenser égale ou dépasse ce qu’elles auraient pu gagner.

Quand à ce qu’elles coûtent personnellement pour leur besoin ou leurs plaisirs, c’est en général assez modique. Ôtez le goût de la toilette, toujours très secondaire lorsque l’abstinence est au foyer, que dépensera la femme de l’ouvrier ? Elle mange peu et boit moins encore : sa boisson n’est que de l’eau, ses jouissances sont presque nulles. Si elle est jeune, elle aimera la danse ; cela coûte peu et ne dure pas.

À ce tableau de l’économie de la femme du peuple, il est sans doute des ombres : quelques-unes sont ivrognesses, débauchées, prodigues, mais ce n’est pas le grand nombre ; et si nous totalisions la dépense de la femme de l’artisan marié, nous verrions qu’elle ne s’élève pas au