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les erreurs, les fraudes qui toutes sont au détriment du malheureux qui n’a aucun moyen de les reconnaître ou de s’en défendre.

Par quelques avances et quelques économies, il préviendrait un tel dommage et il éviterait en même temps le crédit qu’on lui fait, autre inconvénient, autre source de ruine. Le délai accordé n’est jamais gratuit : le vendeur s’en indemnise au taux des dangers qu’il court ou seulement des inquiétudes qu’il éprouve. Il ne prend pas d’intérêt peut-être, mais il réduit le poids ou ne donne que des rebuts, des articles vieux ou avariés. Si c’est pour la nourriture, cela ne nourrit pas ou nourrit mal ; si c’est pour le vêtement, c’est de la dernière qualité et cela dure peu.

Si le crédit est de pure obligeance, si celui qui le fait n’en tire aucun profit, c’est alors une espèce d’aumône qui apprend à l’ouvrier à la recevoir, puis à la demander ou au moins à compter sur cette ressource, et qui l’empêche ainsi d’être prévoyant, qui peut-être même le porte à devenir le contraire. Quand on doit, on s’inquiète peu de devoir davantage : c’est seulement au jour du paiement qu’on en aperçoit la conséquence. Faire crédit au pauvre n’est donc pas toujours lui rendre service. Lui procurer une avance n’est même pas, s’il en paie l’intérêt, un bénéfice réel, tandis que c’en est un pour lui et pour vous que de l’accoutumer à compter.

Ajoutons à ces deux causes de cherté une troisième qui n’est pas moins funeste : c’est que les trois quarts de l’impôt tombent sur la vente en détail ou sur la petite consommation, de sorte que celui qui consomme peu parce qu’il a peu, est plus taxé que celui qui a beaucoup ; et qu’ainsi le contribuable paie d’autant plus qu’il est plus pauvre. Si vous en doutez, prenez les tarifs des contributions directes, indirectes, octrois ; et de toutes les taxes locales, vous verrez qu’elles sont à peu près unanimement dirigées contre l’obole du pauvre et le denier de la veuve ;