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de la terre où il vit. Il n’est pas un animal qui ne le soit ; pas un quadrupède, un oiseau, un insecte, un reptile qui n’ait son terrier, son nid, sa ruche, bref, sa place sur ce globe. L’homme seul, les neuf dixièmes des hommes, n’y possèdent rien, pas même une toise de sable et un trou pour leur sépulture.

Sans doute l’homme civilisé ne doit pas être attaché à la glèbe ; mais il est plus fâcheux peut être qu’il n’y ait rien de commun entre lui et cette glèbe qu’il appelle sa mère, qu’il nommera patrie. De patrie il n’en a pas, car ce n’est qu’à cette condition de possession qu’il peut en avoir une ; c’est ainsi qu’il ne sera plus en dehors, je ne dis pas seulement de la civilisation mais du droit commun qui veut que chacun ait sa part d’air, de terre et d’eau. Je vous le répète : le plus sûr remède contre la misère et la corruption, après le travail c’est la propriété, quelque minime qu’elle soit. Il faut que tout individu faisant partie d’une nation, que tout individu qui est porté sur le registre de la cité ou du hameau, ait part à la fortune publique, qu’il ait à lui une fraction de ce qui paie l’impôt, là ou ailleurs.

Ce n’est pas la loi agraire ni le partage commun qu’on demande ici ; non, Cela serait une faute et une injustice, car on ne doit pas prendre ce qui appartient à un individu, même pour en enrichir dix. Il faudrait d’ailleurs recommencer chaque année le partage ou la spoliation. Mais nous n’aurons besoin de prendre à qui que ce soit. Il suffit, vous, riches, qu’au lieu de jeter à l’oisiveté vous donniez au labeur et ne donniez qu’à lui. Cent sous payés à un travail fait ou à faire produisent plus de bien que cent francs donnés à la pitié. Ces cent sous n’humilient et ne démoralisent personne, ils rapportent à tous ; tandis que cent francs abandonnés au vice et à la paresse font cent malheureux, peut-être cent coupables.

Remarquez qu’en s’occupant, le peuple acquiert non-seulement parce qu’il gagne, mais par ce qu’il ne dépense