Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/112

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J’en ai trouvé jusqu’en Asie. Ce n’est pas sa bonté qui le fait ainsi circuler dans tout le monde, c’est son immortalité. Frais, il est bon, mais cette première fraîcheur une fois passée, il ne change plus, il se fossilise, disons plus, il s’éternise : qu’il ait un an ou qu’il en ait vingt, il reste absolument le même. Il en est qui ont fait trois fois le tour du monde, et qui font en quelque sorte partie de l’ameublement ou du matériel du navire. Dans cet état, ils n’ont d’autres êtres vivants à redouter que les rats dont les dents sont assez dures pour les entamer.

À midi, un bateau qui part de Sesto pour faire le tour du lac, m’emmène d’Arona avec une grosse dame vêtue fort coquettement en soie gris de perle.

À la station de Belgerato, nous arrivent quelques nouveaux voyageurs. Ces promenades côtières, de station en station, ont, quand on n’est pas pressé et qu’il fait beau, un charme infini : d’instant en instant, on a un nouveau point de vue et de nouvelles figures.

Nous repassons devant l’isola Bella ; je reconnais la fenêtre de la chambre où j’ai couché et dans laquelle je crois me voir encore.

Nous arrivons à l’île des Pêcheurs (dei Pescatori), où dix bateaux sont amarrés. J’ai le temps d’y faire une promenade.

Ces îles, qui n’étaient que des rochers incultes, ont, au moyen de terres rapportées, été rendues fertiles par les Borromée, notamment au XVIIe siècle, par le prince Vitaliano Borromeo, qui les a faites ce qu’elles sont aujourd’hui. Toutes, ou la plupart, appartiennent à cette famille depuis un temps immémorial. Charles Borromée, devenu cardinal et archevêque de Milan,