Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/143

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À dix heures et demie, nous abordons. On me conduit à l’hôtel du Lac. Tout le monde est couché, et la porte est fermée. Je frappe ; trois femmes viennent ouvrir : l’une d’elles était la maîtresse du logis. Ma première question est au sujet de la duchesse : est-elle à Rapperschwyl ? — On me répond qu’elle est partie le matin pour Bregens où ses deux filles sont en pension. — Cruel désappointement ! Il était trop tard pour souper : cuisiniers et marmitons, tout dormait dans l’hôtel. J’allai me coucher de mauvaise humeur, et mon lit ne contribua pas à la rendre meilleure. Ce n’est qu’en France qu’on sait faire un lit ; dans les autres pays, il semble qu’un lit ne soit pas fait pour dormir, car on y a toujours ménagé quelque chose qui vous en empêche. Ici on n’a pas mis de couverture, mais un édredon sous lequel j’étouffe et sans lequel je gèle. Je passe ainsi toute ma nuit entre le chaud et le froid.

Le lendemain, 21 septembre, le maître de l’hôtel du Lac, ancien militaire et compagnon d’armes de Napoléon III quand il était soldat suisse, vient me voir. Il ne sait pas si la duchesse doit rentrer bientôt au château de Moienberg où elle réside, à deux kilomètres de Rapperschwyl. Il m’engage à aller jusque là, et me donne l’adresse du comte Scotti, son chevalier d’honneur, par lequel je saurai à quoi m’en tenir.

Le soleil brille, le temps est calme, le chemin beau, je me décide à faire la route à pied. À huit heures, j’y étais. La grille est ouverte, il n’y a ni gardien ni concierge, pas même de sonnette ou de marteau pour frapper. J’entre dans un vaste et beau jardin, et bientôt me voici en face d’une maison confortable, mais simple.