Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/242

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Marseille était devenue port franc ou anglais si vous voulez, que j’étais parti pour aller chouanner en Bretagne, et que, peu pressé d’y arriver, je vicariais à Genève.

C’est dans cette même ville que je me retrouve aujourd’hui, mais, comme je l’ai dit, quarante-cinq ans se sont écoulés. Je viens de visiter d’autres champs de carnage dont, grâce à Dieu, j’ai les mains pures, et je vogue paisiblement vers une ville dont je ne trouverai plus, je l’espère, les habitants en armes, et ce parfum de salpêtre dont j’ai eu assez pour ma part et que j’abandonne à d’autres.

Notre vapeur se nomme l’Hirondelle. Nous voici à Morge, gracieuse petite ville dont nous admirons le joli port, ses navires et sa promenade bien plantée. Sa population est de trois mille deux cent quarante âmes, et son commerce est, dit-on, très-actif. Les montagnes et le lac, par un effet de lumière, ont pris une teinte violette charmante. Le ciel est pur, on n’y voit pas un nuage, et le temps doux permet à tout le monde de rester sur le pont. Je serais très-heureux sans une douleur qui m’est venue à la nuque à force de regarder et de tourner la tête.

Le violet s’est changé en un bleu ardoisé qui a aussi sa magnificence. Le Mont-Blanc prend successivement ces diverses nuances. Deux bateaux à voile sont en vue. Sur la rive droite, sont de belles vaches dont on entend retentir la clochette.

Nous sommes à Rolle, beau bourg de quatorze cents âmes, ayant aussi sa promenade et ses points de vue. C’est la patrie du général Laharpe, qui fut le précepteur