Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/51

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il aurait fallu trop de mystificateurs, car aussi loin que son regard pouvait porter, l’agitation se communiquait d’un groupe à l’autre, et, par instant, il s’y mêlait un bruit qui ressemblait au murmure lointain d’une foule irritée. Il pensa alors que c’était l’effet d’un courant d’air ; mais la lumière qui l’éclairait était immobile, il ne voyait aucune ouverture et ne sentait pas le moindre souffle.

Voulant à tout prix pénétrer ce mystère, il se leva et marcha droit aux figures dont les gestes étaient les plus prononcés ; mais à peine avait-il fait quelques pas que le bruit cessa, et tout redevint immobile.

Se croyant encore une fois le jouet d’une illusion, il reprit son travail. Pendant une demi-heure, rien ne vint l’interrompre, et il se croyait délivré de cette obsession qu’il attribuait à son imagination surexcitée, lorsqu’il vit de nouveau une figure s’agiter si convulsivement qu’il crut qu’elle allait venir à lui. À ce signal, partout les mouvements recommencèrent avec le même bruissement sinistre. Les nerfs de l’artiste ne purent résister à cette dernière épreuve. Il voulut appeler, sa voix s’éteignit dans sa gorge ; il essaya de fuir, ses jambes manquèrent sous lui ; et au jour, quand on vint pour le chercher, on le trouva étendu sur le sol et évanoui.

Maintenant voici l’explication : ces souterrains étant infestés de rats, les moines, pour s’en débarrasser, y avaient mis quelques chats. Tant qu’il y avait du monde dans les caveaux ou qu’ils y entendaient marcher, chats et rats se tenaient cois. Le silence rétabli, les rats commençaient à prendre leurs ébats, et les chats, qui les