Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses langes, est livrée à elle-même ou à sa lucidité naturelle ; et je ne cite pas ici par ouï-dire, mais par ma propre expérience appuyée d’ailleurs, comme on vient de le voir, de preuves assez claires que je résume ainsi :

Il est tel docteur qui prétend
Qu’il ne voit rien, paupières closes ;
Mais quant à moi, c’est différent,
En dormant je vois bien des choses.

Je m’y suis vu mort ; oui ! d’un bond
Mon âme avait fait maison nette.
Mort, en étais-je plus mal ? Non,
N’ayant changé que de toilette.

Mais pour passer droit bienheureux
N’ayant d’œuvre assez méritoire,
Dieu me mit, pour un an ou deux,
Surnuméraire en purgatoire.

Le premier jour j’ai grimacé,
Croyant y rencontrer le diable.
Point !… Sur ma foi de trépassé,
C’est un séjour fort agréable.

Et si, recommençant mon temps,
J’avais le choix, j’aime mieux faire
En purgatoire mes deux ans
Que d’en refaire un sur la terre.

Je déjeûne à table d’hôte ; elle est mieux servie en vivres qu’en convives. J’ai en face de moi un monsieur italien, décoré de je ne sais quel ordre, mais cette décoration, il ne l’a certainement pas obtenue pour son savoir-vivre ou son aménité : sans égard pour personne, il se fait apporter tous les plats, choisit son morceau et apostrophe très-durement les domestiques quand ils tardent à le servir, agissant enfin comme s’il eût été en pays conquis. Je crus un instant que c’était un