Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/87

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avoir beaucoup souffert ; partout la verdure resplendit. Le sang humain lui est-il donc si propice ? Pourtant que Dieu nous garde de cet engrais, il est trop cher ; il y en a d’autres qui coûtent moins.

J’en avais assez de Magenta et de son champ de carnage, je repris la route de Milan. Quand j’y rentrai, il était nuit close. Je descends à l’hôtel Reichmann, nom autrichien et de mauvais augure, car cet hôtel, bien qu’il passe pour le premier de Milan et qu’il l’est peut-être, fut pour moi celui des mille et un guignons. D’abord j’y aperçois encore ces visages que, pour la cinquième fois, je rencontre sur mon passage, l’homme aux moustaches noires et sa fille. Ces visages n’avaient rien qui pût me chagriner, au contraire ; mais cette persévérance du hasard commençait à me fatiguer.

La figure tudesque du portier ne contribue pas davantage à m’égayer.

En entrant dans ma chambre, je ne trouve pas de domestique pour fermer une fenêtre. Je veux la fermer moi-même, et je casse un carreau et me fais une coupure à la main.

Ne voyant pas arriver mon bagage, je sonne. On ne vient pas. Je resonne sans plus de succès. Je descends en colère, et j’avais tort : j’avais tiré un cordon qui n’était pas celui de la sonnette.

Je demande ma valise. — On me présente un sac de nuit. — Il est bien à moi ; mais la valise, où est-elle ? — On ne l’a pas vue ; peut-être l’omnibus l’a-t-il emportée. — Si c’est l’omnibus, on la retrouvera, me dit le concierge. — Mais si c’est un voleur ? lui demandais-je. — Alors c’est différent. — Vous en avez donc ici ? — Pas