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DEUX DE TROUVÉES

les naseaux brûlants semblaient jeter des flammes ! Quelquefois, par un bizarre caprice, il le lançait au galop, à travers la campagne, et au moment où il semblait emporté dans sa course impétueuse, il l’arrêtait tout court en le jetant sur ses hanches, et le faisait se dresser tout droit sur ses jarrets.

— Quel élégant cavalier ! disait une belle jeune fille, au teint un peu pâle et aux longs cheveux blonds bouclés, à sa vieille gouvernante, qui était assise près d’elle dans une magnifique volante. Il y a plusieurs jours que je le rencontre, et je ne le vois jamais parler à personne ; j’aimerais beaucoup à savoir qui il est.

Cette jeune fille n’était pas née à l’île de Cuba, son teint et ses blonds cheveux trahissaient une origine étrangère. Cependant sa longue résidence aux Antilles, où elle avait été amenée toute jeune encore, lui avait donné cet air de nonchalante et paresseuse mollesse, cette espèce de limpide morbidezza si particulière aux créoles des Îles.

— Je ne le connais pas ; je pense cependant que ce doit être ce riche étranger qui est venu dernièrement sur la superbe habitation de la Campagna, qu’il a achetée dit-on, à un prix extravagant, du vieux Don Garcia del Ricon.

— J’aimerais beaucoup à faire sa connaissance. Il faut, ma chère Carlotta, que tu trouves le moyen de me le présenter. Tu me feras bien ce petit plaisir n’est-ce pas, ma bonne Carlotta ?

Et la jeune fille jeta à sa duègne un coup d’œil si caressant, que la vieille Carlotta, qui était une vraie espagnole et se rappelait encore ses amours du jeune âge, ne put s’empêcher de sourire.