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DEUX DE TROUVÉES

ne s’y tenait pas toujours ; sa fille Clémence, petite brune à la physionomie douce et maladive, à peine âgée de treize ans, vendait à la stalle, où elle était installée dès le matin avant le jour, ne la quittant qu’à la nuit close, souvent sans avoir pris une seule bouchée de toute la journée. Et quand elle revenait le soir à moitié mourante de faim, quelquefois tremblante de froid l’hiver avec ses petits pieds nus tout rouges, sa mère lui jetait un morceau de pain sec et une bouteille d’eau froide. C’était là son souper, puis une sale paillasse, jetée dans un coin du grenier lui servait de lit. Bien contente encore si la mère Coco-Letard ne la battait pas, ou si ses fainéants de frères ne lui donnaient pas quelques coups de pieds. La mère Coco-Letard ne l’aimait pas et ses frères ne pouvaient la souffrir, à cause de ses douces dispositions et des reproches qu’elle leur faisait chaque fois qu’ils revenaient ivres à la maison, ou qu’ils discutaient en sa présence quelque vilaine entreprise.

La mère Coco, comme on l’appelait au marché, avait sa demeure sur la levée, dans la première municipalité ; son habitation des champs, dont elle portait toujours la clef dans sa poche quand ses garçons n’y allaient pas, ne lui servait que de magasin, où elle recelait les divers articles ou paquets de marchandises qui lui parvenaient par des voies secrètes, et dont elle ne se souciait pas, pour le moment, de faire usage ou qu’elle ne voulait pas exposer aux recherches de la police. Aussi Clémence n’était-elle jamais conduite à l’habitation des champs, quoiqu’elle la connut fort bien, et qu’elle sut que c’était là que ses frères passaient une partie des nuits,