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UNE DE PERDUE

— Vraiment ! répondit Édouard Phaneuf, et comment ça ?

— Oh ! mais, c’est que nous avons eu une furieuse difficulté à nous en débarrasser ; vous voyez comme j’ai la figure toute brûlée, je ne sais trop par quel miracle j’ai pu échapper à la mort, au milieu des balles et des couteaux de ces brigands. Dieu merci, nous les avons mis en fuite, après en avoir tué une trentaine et en avoir fait dix prisonniers.

— Vous avez des prisonniers, dit le pilot d’un ton qu’il tâchait de rendre indifférent, mais dont l’émotion n’échappa pas à Clarisse Gosford, qui, sans trop savoir pourquoi, éprouvait une espèce de répugnance à la vue de cet homme à l’air sombre et aux traits fortement accusés. Et où sont-ils ?

— Ils sont enchaînés dans la cale. Nous avons pris leur chef ; un véritable démon, bel homme d’ailleurs.

— Savez-vous son nom ?

— Ils l’appellent Antonio Cabrera.

À ce nom, le pilote contracta les sourcils, et se retournant brusquement du côté du timonier, il lui cria :

— Tribord la barre !

— Tribord la barre, répéta le timonier.

— Holà ! en avant là, bordez-moi les focs ! Non pas comme ça. Et le pilote courut sur le gaillard d’avant où il donna ses ordres, évitant ainsi de se rencontrer avec les passagers.

Le reste de la journée se passa tranquillement, les matelots occupés à nettoyer le navire et à préparer et ranger les balles de marchandises, les passagers à écrire des lettres et à faire leurs malles.