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DEUX DE TROUVÉES

cette manœuvre une dizaine de fois, il lâchait un petit cri aigu et criait : gladu, gladu, gladu ; puis il se prenait à courir une dizaine de pas, s’arrêtait recommençait à compter et à crier : gladu, gladu, gladu ! Tout le temps qu’il était dans la cour, il fesait ce manège. Dans la salle il s’accroupissait dans un coin, et suivait d’un œil morne et avec un regard vague les jeux des autres.

Son nom sur les livres était Jérôme, on ne lui en connaissait pas d’autres. Sans parents ni amis, il était à la charge de l’état depuis une dizaine d’années. On ignorait complètement et son âge, et le lieu de sa naissance et le nom de ses parents. D’une excessive sensibilité, il se serait bien attaché à quelqu’un, mais la figure sévère des gardiens et la malice de ses compagnons lui faisaient peur. Avec de la bonté et des soins, on eut peut-être pu arracher cette frêle créature à la démence, qui tous les jours faisait de nouveaux progrès dans son cerveau malade. Mais qu’attendre de la bonté et des soins de ces hospices, où il semble que ces qualités soient incompatibles avec les fonctions que l’on doit y remplir ? À part du Docteur Léon Rivard, le médecin de l’Hospice, du chef, du portier et des gardiens, personne ne mettait les pieds dans cette institution.

Dans le cabinet du portier plusieurs vieux registres contenaient les noms des aliénés depuis la fondation de l’Hospice. Chaque fois qu’un nouveau patient était amené, le portier écrivait sur le régistre son nom et prénom, et la date de son entrée ; à la marge, il faisait quelquefois quelques remarques, pour servir au besoin, et tout était dit. Si le nouveau patient était muni de hardes ou autres effets, le