Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
UNE DE PERDUE

Ici le docteur Rivard laissa échapper un profond soupir et s’essuya les yeux, après quoi il continua :

— Ainsi vous voyez, M. le juge, que l’enfant de M. Alphonse Meunier n’est bien que trop malheureusement mort.

— Je ne vois pas ça du tout ! répondit le juge, qui se frotta les mains de plaisir, en voyant que le récit du docteur, si naïvement narré, ne faisait que confirmer l’identité du petit Jérôme avec le petit Alphonse ! je ne vois pas ça du tout !

— Comment ?

— Supposez que le petit Alphonse ne se soit pas noyé, car puisqu’on n’a pas retrouvé son corps dans l’eau, on peut bien supposer cela.

— Que voulez-vous dire ? M. le juge, s’écria le docteur.

— Supposez encore que la Coco-Letard, fatiguée des soins qu’elle donnait, ou du trouble que lui causait ce petit orphelin chétif, dont elle ne connaissait pas le père, ce qui est clair, l’ait conduit à quelqu’hospice d’aliénés !

— Pas possible, M. le juge, pas possible ! Il n’y avait alors à la Nouvelle-Orléans qu’un seul hospice des aliénés, et j’en étais le médecin. Il n’aurait pu y être introduit sans que je l’eusse remarqué !

— Si vous ne l’eussiez pas remarqué !

— Comment aurais-je pu ne pas le remarquer ?

— N’y en a-t-il pas un grand nombre du même âge, et avertit-on toujours le médecin de chaque nouvel arrivant ?

— Oui, c’est vrai ; c’est bien vrai ! et le docteur sembla chercher dans ses souvenirs en affectant la