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DEUX DE TROUVÉES

« Madame Deguise était morte, laissant une petite rente à ta mère qui demeurait dans le village de Sorel, en pension chez de braves ouvriers. Son père l’avait chassée de chez lui, quand il apprit son mariage. Tu étais né, mon fils !

« Je restai deux mois à Sorel. Au bout de ce temps je reçus une lettre de l’un des armateurs pour le compte duquel j’avais fait le voyage de la pêche à la baleine. Il m’offrait du service comme second, à bord d’un navire qu’il expédiait au Cap de Bonne-Espérance, avec part dans les profits.

« L’offre était avantageuse, j’étais pauvre ; le voyage ne pouvait durer que huit mois, tout au plus ; j’acceptai. Ta mère ne pouvait supporter l’idée de me voir partir. Nous eussions bien voulu faire célébrer notre mariage devant l’église, mais le curé exigeait le consentement de M. de M*** qui s’y refusait obstinément. Il fut donc convenu que nous attendrions l’âge de majorité de ma chère Éléonore et mon retour.

« Hélas ! nous ne devions plus nous revoir.

 

« Les premiers jours de notre voyage furent assez beaux, mais le deuxième jour un vent du Nord-nord-est s’éleva avec violence. Nous eûmes une tempête qui dura deux jours. Le navire qui était vieux, faisait eau en plusieurs endroits. Les pompes ne suffisaient pas ; il fallut se décider à quitter le navire. Par malheur il ne restait plus que la petite chaloupe, la grande ayant été enlevée durant la tempête. On tira au sort pour savoir quels seraient les dix qui s’y embarqueraient. Deux de mes camarades et moi furent désignés comme devant rester sur le navire, qui ne pouvait tarder à s’enfoncer.