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qu’ils n’ont pu éviter. Toutes ces explications, sous une apparence de vérité, sont fausses. Si elles étaient vraies, elles seraient un indice de faiblesse, car ce sont les peuples faibles qui se laissent gouverner par le hasard ; les forts triomphent des circonstances adverses. L’histoire passée des Canadiens-français est une preuve éclatante de cette vérité. Ils doivent donc en chercher les causes ailleurs et ils ne chercheront pas longtemps sans les découvrir. Ils s’apercevront bientôt qu’ils soutiennent la lutte comme pourrait le faire un peuple armé d’arcs et de flèches contre un peuple muni d’engins de guerre modernes. C’est-à-dire qu’ils sont arriérés sous certains rapports importants, et que si jadis les Canadiens-français représentaient la civilisation la plus avancée au Canada, il n’en est malheureusement plus ainsi.

Le mal dont ils souffrent n’est point un secret. Il est visible. Un grand nombre d’écrivains l’ont signalé. Il n’y a pas longtemps, un Américain, M. Greenough, disait que les Canadiens-français ne font aucun progrès, mais que leur infériorité ne les préoccupe nullement. Il est à peine nécessaire de réfuter cette assertion, mais elle indique d’une façon saisissante ce que les étrangers pensent de nous. Une accusation plus digne d’attention est portée contre nos compatriotes par M. Walter James Brown, un Canadien. M. Brown trouve aux Canadiens de toutes origines les défauts suivants : —

1. Les Canadiens instruits manquent d’indépendance de pensée et le Canada fait trop peu de cas des choses et des talents canadiens.

2. Ils aiment peu la bonne littérature, si nous en jugeons par la qualité et le nombre de livres qu’ils achètent.

3. Le Canada fait peu d’efforts pour encourager et développer sa littérature puisque les jeunes Canadiens, pour se produire, doivent aller à l’étranger,

4. Le système des écoles publiques au Canada a besoin d’un remaniement radical, surtout dans cette partie qui consiste à apprendre à nos enfants, garçons et filles, à penser et à agir avec indépendance et à apprécier leur pays natal à sa juste valeur.

Voilà des remarques qui, pour être générales, semblent s’appliquer assez bien à la province de Québec. L’auteur développe ensuite sa pensée.

« L’observateur attentif, dit-il, s’étonne souvent que le Canada, avec sa richesse de ressources naturelles, son excellente forme de gouvernement, son peuple supérieur, prenne un temps si long à s’affirmer. Le pays est beaucoup trop content de sa progression à pas de tortue, au lieu de signaler chaque année qui passe par quelque progrès, par quelque fait éclatant. En regardant la ligne imaginaire dont la loi internationale a fait une frontière entre le Canada et les États-Unis, il est difficile de comprendre pourquoi d’un côté de cette ligne les affaires sont actives, que de grandes cités y surgissent, que de gigantesques entreprises y