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IV

LE MAL DONT NOUS SOUFFRONS.


Absence d’instruction et d’outillage scientifique, d’instruction et d’organisation industrielle.


Nous avons vu que les Canadiens-français doivent leur existence d’abord puis une situation politique tout à fait remarquable, à la supériorité incontestable de leur éducation et de leurs hommes dirigeants au commencement du siècle. Nous les avons vus aussi, poussés par la nécessité, réformer leur agriculture en y appliquant les méthodes scientifiques ; et grâce à cette réforme, encouragée et aidée par le gouvernement, une partie de la nation canadienne sortir tout à coup comme d’une léthargie et acquérir dans l’industrie agricole une supériorité véritable. Mais nous avons constaté en même temps que malgré ce pas immense dans la voie du progrès, la province de Québec se trouve dans la situation d’un chef de famille qui, ayant plusieurs enfants déjà grands, continuerait à les nourrir en les laissant oisifs ; oubliant que par là non seulement il se prive du fruit de leur travail et use inutilement ses propres forces, mais qu’il leur rendra bien plus pénibles les devoirs qu’ils auront à remplir plus tard. L’agriculture, sans doute, est l’industrie nourricière de la province. Mais si nous nous bornons à l’agriculture, au sacerdoce, aux professions libérales ; comme nous ne pouvons pas tous être agriculteurs, le sacerdoce n’étant la vocation que d’un petit nombre, les professions libérales étant encombrées, il en résultera une congestion dont la gravité ira s’accentuant ; il restera un nombre alarmant et toujours grandissant de jeunes gens qui n’auront rien à faire, qui ne pourront se suffire à eux-mêmes et qui seront forcés d’occuper des positions inférieures, souvent à l’étranger. Ce sont autant de forces perdues. Chez les races très nombreuses, une telle déperdition peut n’être pas très sensible. Chez les Canadiens-français chaque perte est un vrai malheur, non seulement au point de vue matériel et économique, mais encore à celui du prestige national, puisque le Canadien-français reste, par son nom et sa langue, distinct des hommes d’autres origines et qu’on juge souvent du peuple par les individus qu’on a sous les yeux. Or, pour fournir une carrière à notre jeunesse, pour lui procurer la richesse qui en ce siècle est essentielle à la supériorité, il faut avant tout lui donner la science, c’est-à-dire, les connaissances qui lui sont nécessaires pour s’affirmer dans le monde moderne.

M. Octave Gréard, ce savant trop peu connu au Canada, explique avec beaucoup de clarté la grande différence entre l’instruction nécessaire de nos jours et celle qu’il fallait autrefois. Il nous fera comprendre comment il se fait que la science qui suffisait à nos pères ne suffit plus aux hommes d’aujourd’hui.