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Page:Bouchette - Robert Lozé, 1903.djvu/56

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Robert Lozé

Soudain la chanson cesse et les enfants se précipitent vers une voiture qui s’est arrêtée dans la montée. Bientôt ils reviennent avec la même rapidité.

— Grand’mère, grand’mère, des lettres pour vous, s’écrie la plus grande et la plus leste. Puis aussitôt la bande tapageuse court reprendre ses jeux et sa chanson.

Madame Lozé ajusta ses lunettes et lut ce que nous allons prendre la liberté de lire par-dessus son épaule :

« Bien chère maman, disait la première de ces lettres, j’aurai bientôt le plaisir de vous embrasser. Avez-vous cru que votre Jean parti depuis si longtemps ne reviendrait jamais ? Non. Vous connaissez mieux son cœur. Votre portrait que j’ai reçu, je l’ai placé à la tête de mon lit et chaque soir c’est à vos pieds que je dis ma prière, car vous êtes mon ange gardien.

« Bien des fois, vous le savez, il m’en a coûté d’être fidèle à mes résolutions. J’étais malade du besoin de vous embrasser, de sentir votre main sur ma tête, vos lèvres sur mon front, comme autrefois. Mais je ne pouvais pas, je ne voulais pas. Je subissais mon temps d’épreuve, je préparais l’avenir. Vous savez cela, chère maman, mais ce que je n’osais vous dire, c’est toute l’étendue de mon succès, qui me permet maintenant de revenir au pays avec des connaissances et des capitaux, pour y demeurer, j’espère, et y mener une vie utile et laborieuse.

« Chère maman, je ne reviendrai pas seul. Je vous ramènerai une fille qui est digne de vous, trop belle et trop bonne pour moi. C’est la fille de mon ancien directeur de fabrique dont je vous ai souvent parlé et qui m’a, dans toutes les occasions, témoigné tant d’amitié. Alice vous connait et vous aime déjà. Elle vous envoie, par moi, un petit souvenir en attendant qu’elle puisse vous embrasser. Je vous avertirai du jour précis du mariage. Ce jour-là même nous partirons pour le pays. Je vous prie, cepen-