Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/105

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Quand Léonard surgit, un souffle avait passé
Sur la face du monde oublieux et lassé
Qui vécut si longtemps sans adorer ta force.
La sève, de nouveau, palpitait sous l’écorce.
Tes fils, par la prière et le jeûne affaiblis,
S’éveillaient de leurs longs et ténébreux oublis ;
L’homme baisait enfin, d’une bouche enivrée,
Les plis mystérieux de ta robe sacrée.
Il frémissait d’entrer sous les hautes forêts
Où les voix de la nuit murmurent tes secrets.
Il te suivait, heureux de tes moindres vestiges.
Cherchant dans l’infini de sublimes vertiges,
Il fendit d’un long vol les champs sereins de l’air.
Pour frapper de son poing le ciel solide et clair
Qui dérobait encore à ses fières prunelles
Le gouffre de ta vie et les mers éternelles.
Sans relâche il monta, car son cœur étouffait
Dans l’étroit univers, stérilement parfait.
Bientôt il entendit l’âpre océan des mondes
Avec un bruit terrible entrechoquer ses ondes ;
Il atteignit le ciel et, de son poing brutal,
Fit voler en éclats les sphères de cristal !