Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/142

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Tu n’es plus l’océan de glace
Où j’allais m’enfoncer, livide et frissonnant :
Ton âpre mer bouillonne, et je suis maintenant
Comme une écume à ta surface.

Naguère je pouvais crier ;
Libre, j’avais encore un reste de noblesse.
Je t’accusais, mon Dieu : puis, sentant ma faiblesse,
Je m’agenouillais pour prier.

A présent, prier Dieu, c’est me prier moi-même.
Hélas ! que de sanglots perdus !
Qui donc nous aurait entendus,
Puisque Dieu prie en nous et qu’en nous il blasphème ?

Ah ! croirai-je ceci ? Troublé par le divin,
Halluciné par la substance,
Renierai-je mon existence
Comme une forme vide, un songe amer et vain ?

M’élèverai-je avec mon maître
Au ciel irrespirable où le sage est heureux ?
Aurai-je le courage affreux
De m’anéantir devant l’Être ?


                              * * *