Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

che se borne à une lieue par heure, tandis que nous en pourrions faire jusqu’à trois par un vent d’une force ordinaire ; mais il faut se contenter de n’être point repoussé quand on s’approche de ce qu’on aime bien.


Ce 2. — Le vent diminue d’heure en heure et le ciel et la mer nous annoncent le calme le plus profond. Juge de ce que je vais devenir. Par bonheur que dans cette saison-ci les calmes ne sont pas longs, mais comme ils annoncent changement de vent, nous en craignons un contraire. Je commence à me laisser abattre, je suis comme quelqu’un que j’aime tant : la moindre chose me ranime ou m’éteint et dans ce moment-ci j’ai besoin de tout mon empire sur moi pour ne pas me désespérer.


Ce 3. — Nous sommes pris par ce maudit calme et Dieu sait quand et comment nous en sortirons. Si tu voyais ma petite habitation, tu ne la trouverais pas faite pour un long séjour, et surtout si tu voyais le fond de mon cœur, tu ne le trouverais pas capable d’une longue patience. Il faut pourtant prendre sur moi et surtout vivre jusqu’à ce que je te revoie ; c’est là l’essentiel. Je ne veux pas que la dernière visite que je t’ai faite soit la dernière de ce genre-là ; je ne m’accoutume pas même à penser qu’il y a un terme imposé à la vie et par conséquent à ce qu’elle offre de meilleur ; j’aime à le reculer dans mes méditations intérieures et à espérer qu’avant que nous ne soyons morts on trouvera le secret de ne pas mourir et qu’avant que je ne sois cassé de vieillesse on trouvera celui de rajeunir. Ce dernier là man-