Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/198

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temps sont dangereux parce que les jours sont courts, l’horizon chargé, le vent violent et les terres fort basses, ce qui fait qu’on pourrait se trouver dessus avant de les avoir vues. Je me fie à mon capitaine, à mon bonheur et au grand Detella qui m’a promis à ma femme.


Ce 19. — Tout paraît annoncer une heureuse arrivée ; les vents ont pris le tour que nous leur aurions marqué s’ils nous avaient consulté et la mer semble nous faire un meilleur accueil à mesure que nous approchons de notre patrie. Dans trois jours nous pouvons être à terre, dans huit jours je puis te voir ; je le puis, mais je dépends des vents et des flots, qui sont les premiers ministres du hasard et les exécuteurs impitoyables de ses arrêts.


Ce 20. — Nous entrons dans le golfe, nous venons de rencontrer un bâtiment qui venait de Bordeaux et qui nous a dit la distance où nous sommes de terre : 72 lieues. Par le vent qu’il fait, il ne serait pas impossible de descendre demain, mais les temps sont durs, les mers grosses, les nuits longues, les vents inconstants : il ne faut croire qu’à ce que nous tiendrons et garder toujours un sage milieu entre espérer et désespérer. Adieu, mon enfant, mon écriture te montre l’agitation du vaisseau et peut-être la mienne.


Ce 21. — Qu’avais-je dit ? Voilà les vents qui soufflent du point où nous allons, la mer grossit et tout annonce une tempête presque à la vue du port. Il n’est pas dit que j’aille à la Rochelle, je serai peut-être obligé de courir demain à Lorient et j’y entrerai à pareil jour où j’en suis sorti l’année dernière. Si