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LA CASTE ET L’ADMINISTRATION ANGLAISE

revient de loin, il devient suspect. La crainte des mésalliances possibles finit par conduire à l’interdiction de toute alliance entre les deux segments séparés.

Il est vrai d’ailleurs que souvent les émigrants prennent femme sur place, d’une caste inférieure à la leur, sinon d’une tribu aborigène, et que ce mélange de sangs, abaissant le rang de leur descendance, entraîne normalement la formation d’un groupement nouveau. Telle est par exemple l’origine du groupe des Shagirdpeshas, nés de l’union d’immigrants Kayasths avec des servantes de l’Orissa[1].

Comme sur plus d’un autre point, nos observateurs relèvent ici une vérification des théories formulées dans les Lois de Manou. Elles prétendaient expliquer, par des unions illégitimes entre supérieurs et inférieurs, la multiplicité des castes qu’on est bien obligé de distinguer en dehors des quatre Varnas classiques. Explication forcée, et qui aboutit à des inventions puériles, si l’on veut rendre compte, par ce procédé, de la formation de toutes ces castes. Mais qu’un certain nombre d’entre elles aient dû leur origine à des mésalliances de cette sorte, c’est ce qu’il faut bien admettre pour le passé, s’il est vrai qu’encore aujourd’hui le fait se reproduit sous nos yeux.

Il faut ajouter aux groupements divers ainsi multipliés, ceux qui sont formés par les néophytes de l’hindouisme. On s’est parfois demandé, nous l’avons vu, si l’hindouisme pouvait être classé parmi les religions prosélytiques. Ses prêtres-nés, pensait-on, les Brahmanes isolés dans l’orgueil de leur sang, ont-ils rien du missionnaire ? En fait, sir A. Lyall nous a justement fait observer qu’aucune grande religion ne comptait peut-être, encore aujourd’hui, autant de conversions à son actif. Les peuplades à demi barbares qui vivent sur les frontières de l’hindouisme n’ont rien plus à cœur que de

  1. India, I, p. 524.