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LES EFFETS

Analogie boiteuse, s’il est vrai – comme les considérations qui précèdent nous l’ont rappelé – que ni le terme d’État ni celui d’Église, tels que nous sommes habitués en Occident à les comprendre, ne convient aux institutions hindoues. La formule nous donne du moins l’idée de ce que devait être, en matière de droit, l’omnipotence sacerdotale.

Encore faut-il s’entendre sur la nature de cette puissance, sur les limites qu’elle rencontre, sur les procédés par lesquels elle a été conquise. La suprématie des Brahmanes en matière de droit serait un véritable miracle si leur volonté ne répondait plus ou moins directement aux volontés, plus ou moins conscientes d’elles-mêmes, des populations qui la reconnaissent. Si cette force n’a pas été contenue par en haut, c’est sans doute qu’elle était soutenue par en bas. La mesure et la forme de la collaboration spontanée des groupes à l’œuvre du droit, voilà ce qu’il faudrait pouvoir préciser. On s’apercevrait peut-être alors qu’ici comme partout le secret de la puissance brahmanique, c’est sa tolérance, sa souplesse, sa plasticité.

Déjà en matière de croyances religieuses, nous avons admiré l’indifférence accueillante du Brahmane. Qui sait si, en matière de coutume, sa politique n’a pas été la même et s’il ne s’est pas contenté, souvent, de consacrer des usages déjà établis ?

Il ne faut pas oublier en effet que la caste, par cela même qu’elle est sans doute l’héritière du groupe familial, conserve jalousement un certain nombre d’attributs judiciaires. Si les Hindous semblent avoir perdu très tôt l’habitude des vengeances collectives, de groupe à groupe, du moins à l’intérieur de chaque groupe ont-ils conservé l’habitude de poursuivre et d’exécuter les membres cou-