Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/291

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primitif affleure dans le Râmâyana comme dans le Mahâbhârata. On y sent la collaboration de races qui vivaient de la guerre 550.

Mais combien plus puissante, finalement, on y sentira l'action d'une classe qui vit de la religion ! Sous sa forme dernière, le Mahâbhârata ne devient-il pas, comme on l'a dit, une espèce d'Encyclopédie des sciences religieuses ? On y verse pêle-mêle spéculations et prescriptions. Des mains du barde féodal le récit épique est passé aux mains du Brahmane, à la fois prêtre, juriste et philosophe 551. Dans l'épisode fameux de la Bhagavad-gitâ Arjuna, au moment de se lancer dans la bataille, arrête son char ; et son cocher, qui n'est autre que le dieu Krishna, lui révèle, en une longue suite de çlokas, les plus subtiles réflexions des métaphysiciens sur le néant des êtres. De toutes parts, ainsi, les traditions cultivées par les professionnels de la pensée entourent et cachent, de leur végétation exubérante, le rocher primitif. L'épopée n'est plus au service des souvenirs féodaux, mais de l'idéal brahmanique.

Et sans doute on y discerne un progrès de telles tendances « séculières ». Le dharma, a-t-on dit, prend le pas sur le rita. Le mouvement de la vie économique développe les règles qui ne se rattachent pas aux choses sacrées 552. De même, il est visible que la morale « s'humanise ». Elle semble accorder moins au souci de la pureté rituelle, et plus aux sentiments de fraternité, de générosité, de pitié. Toutefois là même où ces vertus sont le plus hautement louées, la préoccupation est constante de faire respecter d'abord l'ensemble de scrupules qui assure la supériorité du Brahmane. Les péchés réputés les plus horribles