Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/294

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avatar de Vishnu, restent un des sujets favoris du drame. Çiva, héritier de Rudra, est reconnu comme le dieu tutélaire des professions théâtrales 555.

Mais quelle qu'ait été l'influence de la religion sur le développement du théâtre, elle n'en devait pas faire, comme en Grèce, une espèce d'institution publique, qui servît de centre à une vie nationale. Les représentations drama­tiques n'ont jamais été en Inde que des divertissements exceptionnels, et le plus souvent elles gardent un caractère privé. La plupart des pièces qui nous ont été conservées étaient jouées sans doute dans la salle de concert de quelque rajah. Elles étaient réservées à un publie d'élite. Et plus encore que la tradition religieuse, c'est la constitution aristocratique de la société hindoue qu'elles traduisent de diverses façons.

Quelles différences séparent le drame grec et le drame hindou, on l'a noté souvent. On a utilisé, pour définir leur opposition, les formules d'Aristote. Tandis que le drame grec « imite une action » le nâtaka « imite un état ». « Fort de corps autant que d'intelligence », le Grec aime l'action jusqu'à la fièvre : la vie ne suffit pas à l'en rassasier. Les Indiens, comme tous les barba­res de l'Orient méridional, ont la puissance et la vivacité subtile de l'esprit, sans la force du corps 556. Effet du climat sans doute, cette espèce d'apathie qui se traduit jusque dans le caractère des productions théâtrales. Mais elle est peut-être aussi pour une part un effet du régime, s'il est vrai que la caste, limitant et enchaînant l'activité 557, tend à étouffer en l'homme le goût même de l'action.

En même temps qu'ils seront peu actifs, les personnages seront mal individualisés. « Ce ne sont pas des individus dont les passions, les goûts, le tempérament se