Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/118

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comme pour son compte toutes les fonctions essentielles, chacune peut au besoin se suffire à elle-même ; elle est capable de vivre encore, une fois détachée du tout ; en s’y rattachant, elle n’a pas perdu toute autonomie. Telles sont les spores des myxomycètes. Les organismes supérieurs n’autorisent plus cette indépendance de leurs parties.

La cellule enrôlée et comme enrégimentée dans un organe perd toute vie à part ; en vertu de ce que Geoffroy Saint-Hilaire appelait l’attraction du soi pour soi, on la voit se souder et comme se fondre avec ses collaboratrices ; c’en est fait de son individualité. « Le développement de l’individualité sociale ou, si l’on veut, le perfectionnement de l’organisme entraîne nécessairement, écrit l’auteur des Colonies animales[1], la disparition plus ou moins complète des individualités élémentaires et souvent même la fusion de leurs parties constitutives dans des unités apparentes, nées de quelque nécessité physiologique et qui deviennent les organes de l’individualité.  »

En même temps que la liberté, l’égalité se perd par le perfectionnement des organismes. La diversité des tâches entraînant la diversité des structures, chacun prend la figure de son emploi ; dans la gastrula, la colonie se trouvant formée de deux couches superposées, — l’une, l’exoderme, qui vit en pleine lumière, exposée à tous les chocs ; l’autre, l’endoderme, protégée et comme séparée du monde par la première, — les individus cesseront de se ressembler, différeront de plus en plus par la puissance et les facultés. Qu’on suive la transformation d’une colonie en organisme proprement dit, on verra les individus qui s’étaient directement associés pour composer la colonie, primitivement tous égaux entre eux, déchoir de leur rang et tomber à l’état d’organes. Il faudra donc conclure que « la division du travail, indis-

  1. P. 679-720.