Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/260

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nécessité vitale, de produire le plus et le mieux possible. Or, pour obtenir ce maximum et cet optimum, la concurrence ne demeure-t-elle pas l’aiguillon indispensable[1] ?

N’est-ce pas elle en effet qui force les hommes à produire le plus possible aux moindres frais ? N’est-ce pas elle qui les excite à faire rendre à leurs facultés naturelles tout ce dont elles sont capables ? N’est-ce pas elle enfin qui les classe et les hiérarchise d’après les résultats de ces efforts mêmes ? Une société bien organisée pour l’exploitation humaine de l’univers est une société où chacun peut donner sa mesure et se trouve porté à sa place, où les avantages et l’influence dont chacun dispose sont proportionnels à sa valeur sociale. Or quel meilleur moyen d’assurer cette proportion que de laisser les individus librement concourir, se tailler leurs profits, se forger leur situation ? C’est pourquoi le régime de l’universelle concurrence, qui sauvegarde et respecte les égales libertés, est le mieux fait pour répondre à ces réquisitions auxquelles la civilisation ne peut se soustraire. On peut dire de cet état légal qu’il est vraiment le plus naturel : c’est-à-dire qu’il est le plus propice à la mise en valeur des choses naturelles, aussi bien des ressources de la matière que des facultés des hommes. Parce qu’il garde la lutte pour instrument, il ajuste aussi harmonieusement qu’il est possible les conditions aux qualités, les avantages aux efforts, les produits aux besoins.

Que penser de cette espèce d’optimisme pessimiste ? L’expérience montre-t-elle que le système du laissez-faire est en effet le meilleur régulateur de la production, le meilleur excitateur de l’action, le meilleur classificateur des facultés ? — Sur ces trois points les critiques sont venues s’accumuler,

  1. V. Beauregard, résumant les arguments classiques, art. cité du Dict. d’Éc. pol.