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les théories de ces trois savants[1]. Et en effet nous constaterons, en passant de l’une à l’autre, que la nature nous apparaît de plus en plus dépouillée des attributs humains, et que tous les matériaux sont prêts pour la construction d’un naturalisme aussi indemne d’anthropomorphisme, aussi « objectif » qu’il est possible.

Que veut-on dire quand on constate que la différenciation est la loi du progrès des êtres ?

Au premier regard jeté sur la nature on est frappé, dit Milne-Edwards, non seulement de la diversité, mais de l’inégalité des êtres. Ils sont inégaux, c’est-à-dire plus ou moins parfaits. Comment se mesure donc leur perfection ? Pour nous l’expliquer, le naturaliste emprunte une image à l’ordre social. Dans une société primitive, chaque individu produit lui-même à peu près tout ce dont il a besoin ; par suite, la quantité de ses produits ne saurait être grande, ni leur qualité raffinée ; la vie est grossière et précaire. Dans une société civilisée au contraire le travail est divisé. L’un cultive le blé, l’autre cuit le pain : l’un fabrique des chaussures, l’autre écrit des livres. D’où l’augmentation de la quantité et l’amélioration de la qualité des produits : d’où l’élargissement et

  1. Nous utilisons pour ces résumés les ouvrages suivants :

    Lamarck, Philosophie zoologique, nouv. éd. Paris, Baillière, 1830. — Darwin, De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés, trad. Royer, 5e édit. Paris, Flammarion. — id. La Descendance de l’homme et la sélection sexuelle, trad. Barbier. Paris, Reinvald, 1873. — id. De la variation des animaux et des plantes, trad. Moulinié. Paris, Reinwald, 1868. — H. Milne-Edwards, Éléments de zoologie, ou Leçons sur l’anatomie, la physiologie, la classification et les mœurs des animaux. Paris, Masson, 1840. — id. Introduction à la zoologie générale, ou Considérations sur les tendances de la nature dans la constitution du règne animal. Paris, Masson, 1851. — id. Leçons sur la physiologie et l’anatomie comparées de l’homme et des animaux. Paris, Masson, 1857-1881.